Dix ans de disquaire indépendant à Lille avec Besides Records – Interview

Dix ans de disquaire indépendant à Lille avec Besides Records – Interview

Basé à Lille, Besides Records a ouvert un peu innocemment ses portes en 2010. Mais dix ans plus tard, Julien Bernhardt et Alexandre Gabet dirigent toujours ce disquaire indépendant, spécialisé dans la vente de vinyles, comptant plus de 20 000 références rock, jazz, electro, hip-hop ou encore world. Une longévité gagnée sur leur légitimité de mélomane – ils ne vendent que ce qu’ils connaissent –, leur capacité à s’adapter et leur envie de promouvoir des talents locaux via leur label et leurs expositions. On a ainsi pu s’entretenir avec une moitié du shop, en l’occurrence Julien, pour évoquer cette décennie écoulée dans la Métropole.

Face B lilloise

Tu as ouvert Besides Records avec Alexandre en novembre 2010 dans le centre de Lille. Quel a été votre parcours et quel a été le processus pour ouvrir le magasin ?

Avant d’ouvrir le shop, je bossais sur Paris dans une boîte professionnelle d’organisation de concerts appelée Ninja Tune. Une boîte que j’ai intégré après ma licence médiation culturelle à l’Université de Lille. Au cours d’une soirée, je rencontre par hasard Alex. Il bossait dans un studio de musique et il s’était déjà occupé des ventes de disques sur leur site. On accroche bien et on finit par se dire tout les deux que Lille manque d’un bon disquaire indépendant. À ce moment-là, on en parle comme d’un projet dont on rediscutera sérieusement plus tard. Puis fin 2009, je suis sur Lille et je vois des clients se disputer pour des disques de Dire Straits à 7 h du mat’ ! Ça a été le déclic pour concrétiser notre projet. La question de la viabilité du shop à travers la vente de vinyles ne s’est pas vraiment posée. C’est juste que l’on est amoureux du format. Il y avait des sceptiques, mais c’est bien grâce à la vente de ce format que Besides est encore là.

D’où vient le nom Besides records ?

C’est compliqué de trouver un nom, que ce soit avec ou sans jeu de mots. Si on avait été situé à un coin de rue, on aurait d’ailleurs bien voulu s’appeler On The Corner, en hommage à l’album de Miles Davis. On s’est tout simplement arrêté sur Besides pour sa connotation musicale et sa signification en anglais sans une espèce de grande révélation non plus.

Vous vendez aussi bien des vinyles de rock, jazz, electro, hip-hop, world que des bandes originales de film. Vous en avez à peu près combien en rayon ?

C’est assez difficile de te donner un chiffre précis, mais je te dirais à louche que l’on en a à peu près 10 000 en rayons. On arrive probablement à 20 000 vinyles si tu comptes aussi ceux que l’on a en réserve. Après, c’est un chiffre qui évolue en permanence entre ceux que l’on vend et nos arrivages.

Pourquoi vous vendez peu de disques métal ?

On ne veut pas seulement être des vendeurs. On veut aussi être en capacité de conseiller les personnes qui rentrent dans le magasin. Le métal est une musique que l’on écoute moins. On est moins connaisseur, donc on ne sent pas légitime pour en vendre.

 

Besides Records

Piquette et grand cru

Comment vous êtes-vous adapté à la crise sanitaire et comment avez-vous fêté les 10 ans du shop dans ces conditions ?

La création d’un site de vente en ligne n’était pas possible pour nous. On est que deux à gérer le magasin et cela représentait une surcharge de travail trop importante dont le fait de rentrer 10 000 références avant une possible mise en ligne. Pour mettre en place notre système de clic and collect, on s’est tout simplement appuyé sur Facebook. Lors de nos arrivages, on publie des vidéos ou d’autres types de posts en citant quelques références. Les clients posent leurs questions en commentaire ou en message privée pour savoir si tel ou tel vinyle est disponible et s’ils peuvent les réserver. Ce qui fonctionne très bien comme ça. À noter qu’en parallèle, on est également inscrit sur le site Discogs où l’a vu notre chiffre de vente augmenter. Pour ce qui est des 10 ans du shop en novembre dernier, on avait pour projet de faire une soirée pendant laquelle on aurait servi en pression la bière 10/10 brasser par le Singe Savant. La soirée a évidemment été annulée. La 10/10 a ainsi été mise en bouteille et offerte en même temps qu’une commande de disque. Et on a invité nos clients à la boire à notre santé.

Le fait que vous soyez encore là 10 ans après votre ouverture confirme que le vinyle n’est pas mort. À quel moment avez-vous observé une recrudescence de l’intérêt pour ce support que ce soit au niveau de vos ventes ou des discussions avec vos clients ?

On peut dire que c’est quelque chose qui est allé crescendo depuis l’ouverture du shop en 2010. 2015/2016 a été notre meilleure année en termes de ventes et a confirmé le retour de ce format sans pour autant que celles des FNAC soient aussi réussies ou spécifiques à des produits de grandes majors. C’est une tendance qui s’est par la suite stabilisée. Chez Besides, le rock, ou plutôt les groupes assimilés rock, reste le genre le plus vendu. Des groupes comme les Beatles, Pink Floyd ou encore Radiohead se maintiennent toujours autant. Pour les plus récents, ce sont surtout les groupes issus de la vague rock psyché qui se vendent tels que Slift ou King Gizzard. Ça nous arrive assez souvent de tomber sur des clients qui viennent au magasin pour revendre leur collection accumulée sur deux-trois ans à cause d’une platine de mauvaise qualité. C’est un peu le dark side du retour du vinyle (Rires) ! Tu auras beau avoir une belle collection, elle sonnera quand même de manière dégueulasse si tu l’écoutes sur une platine à bas coût avec enceinte intégrée. C’est un non-sens. S’il fallait donner dans l’analogie, ce serait un peu comme boire un Château Margaux dans un verre en plastique (Rires) ! Il vaut mieux mettre un budget de 500 euros dans une bonne platine avec les enceintes adéquates, et ainsi pouvoir profiter de la qualité optimale d’un vinyle, que dans une collection que tu ne pourras pas écouter correctement.

 

Illustration de Marc Bati réalisée à l'occasion de son exposition chez Besides Records en novembre 2019
Illustration de Marc Bati réalisée à l’occasion de son exposition chez Besides Records en novembre 2019

Labellisé Besides

Besides Records est également un label qui s’occupe des artistes Gilbert Artman & Etienne Jaumet, Hassan K et TOC. Comment est née le label ?

Après s’être stabilisé, on a voulu se diversifier un peu. TOC, un groupe lillois, est le premier que l’on a sorti via un regroupement de plusieurs labels. Ce projet de label nous a aussi permis de sortir lors du Disquaire Day 2016 (Journée annuelle mondial, se tenant en avril, visant à promouvoir les disquaires indépendants via la vente exclusive d’inédits et de raretés, ndr) des exclusivités d’une dizaine de groupes que nous avions contribué à aider. C’est quelque chose que l’on continuera à faire tant que l’on trouvera des projets sympas.

Le magasin est aussi un lieu d’expositions temporaires dont les murs ont déjà accueillis des œuvres de Marc Bati, Tony Derbomez, Marie Dumoulin, Alice Dufay, Felix Godefroy ou encore l’atelier Sabordage. Comment s’organise en général une exposition ?

Cela peut autant être une démarche où nous allons chercher un artiste que l’on connaît que l’inverse. La préparation d’une expo représente environ 1 à 2 mois de boulot. On en organise une à deux par an en en organisant toujours une vers novembre/décembre qui correspond à notre date d’anniversaire et aux fêtes de fin d’année. L’artiste expose ces œuvres et nous fait en échange un tote bag et un dessin au feutre posca sur la vitrine qui nous permettent d’attirer le chaland et d’augmenter un peu nos ventes. Ce qu’a d’ailleurs fait Kylab en fin d’année dernière. L’exposition de Marc Bati (Célèbre dessinateur passé par le magazine Métal Hurlant, ndr) a été possible en novembre 2019 grâce à Étienne Jaumet, qui le connaissait après qu’il ait réalisé la pochette de son album duo avec Gilbert Artman. Bati nous a d’ailleurs laissé un des dessins qu’il avait réalisé pour l’expo. Marie Dumoulin nous a aussi laissé un dessin entièrement réalisé au bic. Les artistes qui exposent nous laisse généralement des originaux, ce qui est aussi très cool !

Propos recueillis par Florent Le Toullec

Besides Records, 47 rue d’Amiens à Lille

Contacts : 03 20 95 43 55 / infos@besides-records.com

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Joe